Une nature d'exception

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Etude Cistude d'Europe

La Réserve Naturelle de Chérine a dans ses missions la préservation du patrimoine naturel.

La Cistude d'Europe (Emys orbicularis) est une espèce patrimoniale reconnue. En France, elle est totalement protégée depuis 1979 (arrêté du 24/04/1979).
La Brenne possède l’une des principales populations de Cistude d’Europe en France, au même titre que la Camargue, la Corse, l’Aquitaine, l’Isère ou le Var. Les populations de Brenne présentent la particularité de se situer en limite Nord de l’aire de répartition de l’espèce en France. L’abondance de plans d’eau et le maintien d’une agriculture extensive l’ont longtemps favorisée. Aujourd’hui les changements dans l’utilisation de l’espace sont nombreux :

  • intensification de la pisciculture à l’origine d’une nette diminution des surfaces en roselière et des herbiers aquatiques,

  • déprise agricole,

  • gestion cynégétique des milieux favorisant le développement de milieux fermés.

La détérioration de la qualité du milieu aquatique entraîne un appauvrissement de la ressource alimentaire, la disparition des herbiers aquatiques empêche les jeunes Cistudes de se cacher de leurs prédateurs,  tandis que la fermeture des milieux diminue les surfaces de ponte, concentrant les nids et favorisant la prédation, rendant préoccupant l’avenir de la Cistude en Brenne.

Par conséquent, depuis de nombreuses années, des actions de suivis des populations sont réalisées, afin de mieux connaître son écologie, et, par conséquent, mieux la préserver. Plusieurs études importantes furent réalisées entre 2007 et 2010, sans oublier celles des années 1980 et 1990.

2015 marque un important retour des études à son égard, avec 3 grands axes :

  • la dynamique des populations,

  • le suivi de la reproduction,

  • l'étude de leurs pathologies.

Petit rappel

La Cistude est un reptile de petite taille (une vingtaine de cm au plus) ; elle présente une carapace de couleur sombre, ponctuée de jaune, tout comme ses pattes ; celles-ci sont palmées, ce qui en fait une excellente nageuse et pourvues de fortes griffes.

Ectotherme, elle utilise le soleil comme source de chaleur externe pour contrôler sa température corporelle, et donc son métabolisme. Son comportement et son activité se trouvent ainsi conditionnés par la température externe, ce qui constitue une forte contrainte à laquelle elle est parfaitement adaptée. Son cycle annuel de vie est marqué par l’alternance de périodes d’activité au printemps et en été, puis de périodes de ralentissement d’activité ou d’hivernation en saison froide.

C'est une espèce longévive, qui peut atteindre 120 ans en captivité. Inféodée au milieu aquatique, elle utilise nécessairement les milieux terrestres.

Les accouplements ont lieu en début de saison d'activité des adultes, dès le mois de mars, mais surtout en avril-mai. Dans la pratique, ils peuvent s’étaler tout au long de la période annuelle d’activité.

Les pontes ont lieu principalement entre fin mai et la première quinzaine de juillet selon la température, avec un pic au mois de juin. Il est possible pour certaines femelles de déposer leurs œufs en deux fois,  soit en une même ponte partitionnée, soit en 2 pontes distinctes. Ainsi une même femelle peut être observée en train de pondre à deux reprises avec un mois d’intervalle, ou moins selon le cas. En Camargue, cela peut aller jusqu’à 3 pontes.

Les pontes s’effectuent sur des secteurs non-inondables de type sableux ou sablo-limoneux. Les milieux privilégiés sont divers, il peut s’agir de prairies, pelouses sèches, landes, mais également de buttes, talus, digues, bords de routes et de chemins.

Avant d’aller pondre la femelle doit stocker de l’eau qu’elle emmagasine dans des vessies localisées près de sa queue et destinée à ameublir le sol.

Pour rejoindre les sites de pontes, la femelle est capable de parcourir de quelques mètres à plus de 3 kilomètres. En Brenne, ces déplacements varient de 5 à 1100 m. Au crépuscule ou pendant la nuit, une fois le site choisi, elle relâche son eau puis creuse avec ses pattes arrière, formant un nid d’environ 8 à 9 cm de diamètre et 6 à 12 cm de profondeur, en forme de poire. Elle y dépose de 3 à 21 œufs par ponte.  Cette opération dure plusieurs heures après lesquelles la femelle rebouche le nid avec la terre environnante. Elle retourne ensuite à l’eau.

Il est relativement difficile de repérer les nids car ils sont bien camouflés, même en assistant à la ponte, le site précis est difficile à retrouver si l’on n’a pas pris la précaution de marquer l’endroit.

L’éclosion des œufs dans le nid se fait toujours à a fin de l’été, par contre l’émergence des jeunes (sortie du nid) peut se dérouler  à deux moments dans l’année : en début d’automne ou bien au printemps suivant. Dans ce dernier cas, il semblerait que les nouveau-nés sortent de l’œuf à la fin de l’été mais restent dans le nid pour hiverner.

Les conditions climatiques de l’été, mais aussi le sol dans lequel est creusé le nid, sont déterminantes pour le succès de l’incubation. En effet, s’il y a assez de jours ensoleillés (c’est-à-dire une température totale emmagasinée par les œufs suffisante)  l’incubation est en moyenne de 94 jours.

La date de ponte pourrait influencer également la période de sortie des nouveau-nés. Ainsi lorsque la ponte a lieu tôt dans la saison, l’éclosion s’effectuerait en septembre, voire août. En revanche, si la ponte est tardive, les œufs se développeraient plus lentement, du fait de conditions météorologiques moins bonnes. L’éclosion aurait lieu au printemps suivant (mars en Brenne). Mais il faut déduire tout cela avec prudence et attendre les résultats des études actuelles.

L’été est caractérisé par un ralentissement des déplacements quotidiens pouvant aller jusqu’à une immobilisation quasi complète, dans le cas d’assèchement du milieu de vie. On parle alors d’estivation.

L'entrée en hivernation a été observée du mois de septembre au mois de novembre selon les conditions météorologiques. Cette dernière peut se dérouler loin du milieu de vie estival. Les sites d’hivernation mis en évidence sont en grande partie encombrés par la végétation : bois mort, plantes aquatiques, accumulation de feuilles, et se situent dans les roseaux et les fourrés de saules où l’eau est peu profonde.

Estimation de la taille de la population

Depuis de nombreuses années, la « population » de Cistudes d'Europe (Emys orbicularis) de la Réserve Naturelle Nationale de Chérine est étudiée. En effet, Jean Servan a réalisé des campagnes de marquage depuis les années 1980, avec 100 tortues marquées en 1982 et 1983.

Il a également effectué des sessions ultérieures dans les années 1980, 1990 et début 2000. Puis l'effort de suivi de la population s'est accru, avec 2350 individus marqués entre 2007 et 2016 sur une trentaine d'étangs (Réserve et alentours).

Pour estimer la taille de la population, nous utilisons la méthode de Capture-Marquage-Recapture (CMR). Ce type de suivi nécessite un protocole spécifique, tant du point de vu matériel que méthodologique. Lorsque le piège est relevé, les Cistudes déjà marquées sont recensées, mesurées puis relâchées. Les Cistudes non-marquées sont individualisées grâce au marquage, puis une fiche individuelle est alors remplie pour noter les données biométriques.

Suivi de la reproduction

Le succès de reproduction est à la base de la persistance des populations. Il est donc nécessaire de caractériser les paramètres reproducteurs des populations de Cistudes, afin d’assurer le maintien des populations de la Brenne.
Cet axe du projet se structure selon trois approches complémentaires :

  • Tout d’abord, il s’agit de déterminer la proportion de femelles reproductrices pour chaque site, ainsi que leur fécondité (taille de ponte) afin de comprendre les déterminants environnementaux (et donc de gestion) de ces paramètres.  Il s'agit d'un suivi identique à celui réalisé ces dernières années sur la Réserve de Chérine, selon la même méthode, et le même matériel.

  • Ensuite, il est nécessaire de localiser et de protéger les zones de pontes afin d’assurer un taux d’éclosion qui permette le renouvellement des populations. Ces dernières étapes impliquent également d’adopter des mesures de gestion appropriées. Après localisation, les nids sont protégés des prédateurs (renard essentiellement) par du grillage et des cages rehaussées.  Si nécessaire, les secteurs sensibles sont entretenus (girobroyage, pâturage extensif par exemple).

  • Enfin, les travaux précédents ont mis en lumière la grande proportion (~40%) de pontes ayant lieu sur des sites peu ou pas appropriés au développement des embryons ou à la survie des nouveau-nés (digues, amas de terre ou talus routiers). La conséquence de l’absence de zones favorables induit un échec de la reproduction, et donc une baisse du recrutement de juvéniles.

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pathologies

Les travaux menés par la Réserve Naturelle de Chérine ont permis de mettre en évidence un phénomène inquiétant pour le maintien des populations de Cistudes en Brenne. Il s’agit de deux pathologies : une mycose ou une bactérie osseuse profonde, et une pathologie liée à la croissance importante d’algues très adhérentes. Il semble que la prévalence de ces deux pathologies soit variable en fonction des endroits.

Les objectifs sont :
- identifier ces pathologies par des prélèvements,
- comprendre les déterminants de la présence et de la prévalence de ces deux pathologies en fonction des caractéristiques (écologiques, gestion, dérangement, stress) de chaque site.

Afin   d’essayer   d’identifier   les   causes   de   ces développements algaux, des mesures et analyses physico-chimiques ont été réalisés sur des étangs de la Réserve et alentours.

Contaminants

Les activités anthropiques sont sources d’une contamination croissante de l’environnement. Les contaminants sont multiples, et principalement liés à l’agriculture (produits phytosanitaires) ainsi qu’à d’autres activités humaines (métaux lourds). Récemment, ces molécules ont été mises en lumière comme étant responsables du déclin de  nombreuses espèces, principalement via des phénomènes pernicieux de perturbation endocrinienne. A faibles doses, elles entraînent des dérèglements hormonaux qui peuvent conduire à l’absence de reproduction, ou à un affaiblissement du système immunitaire, pouvant entraîner une sensibilité à certains pathogènes. A fortes doses, ces molécules sont létales.

Le statut de contamination des Cistudes de Brenne est inconnu à l’heure actuelle. Or, l’activité cynégétique passée, et notamment l’utilisation massive de munitions de plomb, a vraisemblablement chargé l’environnement de fortes concentrations de ce métal, toxique à haute dose. L’objectif de cet axe du projet est de fournir l’état de contamination des Cistudes en Brenne (produits phytosanitaires et métaux lourds). Pour cela, un état des lieux est réalisé en dosant les contaminants présents dans les Cistudes tuées accidentellement sur les routes et conservées depuis 2007.